Quelle fan suis-je ?

Publié le par Béatrice

Comme promis, après m'être intéressée aux grands types de fans que j'ai pu rencontrer, je vais me pencher sur celle que je suis. Ainsi, mon "ami" Musclor (l'un des maîtres de l'univers, rien que ça) sera content car, je sens qu'il avait peur que je ne m'oublie dans ces élucubrations anthropologiques. Ne me demandez pas qui est Musclor, c'est un fan évidemment anonyme qui m'a fait l'honneur de laisser des commentaires suite à mes articles. Je ne sais rien de lui même pas son vrai prénom...

Alors, qu'en est-il de ma petite personne ? En fait, j'ai fait partie de deux des catégories précédemment citées. Pendant plusieurs années, j'étais une "gardienne du temple", rien de moins... Une folle furieuse, obsessionnelle... Je n'écoutais que Claude François, du matin au soir. Si je n'avais pas une chanson de lui dans la tête, ça n'allait pas. Ecouter autre chose tenait du sacrilège. Les murs de ma chambre étaient tapissés de posters de Cloclo. Je collectionnais tout ce que je trouvais, la moindre petite photo était conservée tel un trésor arraché à la main de Capitaine Crochet. Lorsqu'une émission hommage passait à la télé, je ne pensais qu'à ça. Moi qui déteste courir, je me souviens d'avoir couru tout le long du trajet menant de l'école à chez moi pour être sûre d'arriver à l'heure pour écouter un truc à la radio. Dès que j'ai eu un magnetoscope, tout était enregistré et soigneusement rangé. A l'approche du 11 mars, je me sentais triste et ce jour-là je sortais à peine de chez moi, ne voulais voir personne... Les gens qui avaient eu le malheur de critiquer Claude ou l'une de ses chansons, je les banissais définitivement de ma vie. J'étais incapable de leur pardonner cet affront. Dans toutes les conversations, à un moment ou à un autre, je plaçais quelque chose sur Claude juste pour savoir ce que mes interlocuteurs en pensaient. C'était l'instant de vérité. Soit ils aimaient et on allait pouvoir s'entendre, soit ils n'aimaient pas et c'était fini pour eux. Evidemment, je me suis bien souvent retrouvée seule à ce petit jeu là car, la plupart des gens n'avaient pas besoin d'une fanatique comme moi à leurs côtés. Une fois, alors que j'avais douze ans, une fille de ma classe m'avait demandé si j'accepterais de mourir si j'étais sûre et certaine de me retrouver avec Claude François au Ciel. Eh ben, figurez-vous que j'ai pas dit non ! J'ai pas dit oui non plus... quand même mais, j'ai hésité ! Mes rédactions étaient toutes inspirées par Claude, même quand ça n'avait absolument aucun rapport avec lui, j'en trouvais un ! J'étais folle de lui, tout simplement.

J'éprouvais en plus une espèce de fierté à aimer passionnément un chanteur que les autres de ma génération n'aimaient pas. Je n'avais pas idée du nombre de fans qui existaient et donc, je pensais que s'il n'en restait qu'un ça devait être moi. Seule pour l'aimer, pour l'écouter, le défendre contre tous les vilains méchants qui souillaient sa mémoire de leurs mensonges et de leurs calomnies. Je me gargarisais des livres que l'on avait écrits sur lui et je connaissais sa vie sur le bout des doigts. 

Qu'est-ce qui m'a fait changer me direz-vous ? Plusieurs choses...

- premièrement, vers 18 ans, une copine m'a dit que je la gonflais avec mes histoires de Cloclo. Quelques années auparavant, je l'aurais chassée de mes relations en deux temps trois mouvements. Mais... cette fille là, je l'appréciais. Je passais de très bons moments en sa compagnie. Elle était quasiment la première amie que j'avais depuis des années alors, j'ai réfléchi et je me suis demandée si mon amour démesuré pour Cloclo valait la peine de perdre l'amitié de cette fille si sympa. Je me suis souvenue de mes années de solitude et de tristesse et je me suis dit que franchement je serais d'une stupidité sans nom de perdre une amitié bien réelle pour le souvenir d'un mort. En plus, elle ne m'avait pas dit que Claude François c'était nul. Elle avait juste dit que j'étais chiante à toujours le mettre sur le tapis... et finalement, elle avait bien raison. On avait des conversations qui étaient passionnantes sans parler de Claude François et c'était génial... donc, j'ai laissé mon idole en dehors de ces conversations mais, évidemment, je l'ai conservé en moi. Je continuais de l'écouter chez moi, sur mon walk-man (les ancêtres des lecteurs MP3), sur ma chaîne HI-FI. Le CD avait fait son apparition et bien sûr le premier et le seul que j'avais acheté était un Cd de Cloclo. Fallait pas non plus s'attendre à ce que je dépense mon argent pour un autre chanteur ! Mais la leçon de mon amie, je l'avais retenue et désormais, je n'embêtais plus les gens avec ma passion. Je disais assez facilement que j'étais fan mais ça s'arrêtait là. Et, je faisais bien plus de rencontres qu'avant, je me faisais plus d'amis aussi. 

- Deuxièmement, en 1998, je suis allée à Dannemois, ex demeure de Claude François et j'ai visité ce qu'il restait à l'époque de son moulin (aujourd'hui rénové, heureusement). Et, là bas, plus je visitais ces ruines, plus un sentiment indescriptible m'envahissait. Ce sentiment est resté en moi plusieurs jours, voire plusieurs semaines avant que je comprenne plus ou moins ce qui se passait. Au moulin, je me retrouvais dans les lieux mêmes où avait vécu Claude François et, pendant des années, j'avais ressenti l'envie de m'y rendre parce que quelque chose semblait m'appeler là-bas... et une fois sur place, j'ai eu une sorte de révélation. J'aurais beau être chez lui, près de sa tombe, voir ses costumes, marcher là où il avait marché, RIEN ne me ferait me sentir proche de lui tout simplement parce que je ne l'ai pas connu "en vrai". J'aurais pu continuer à me mentir et à me dire que mon amour transcendait cet inconvénient mais non... les faits s'imposaient d'eux mêmes : je n'avais jamais connu, je ne connaissais pas et je ne connaîtrais jamais Claude François. Et ça, personne n'y pouvait rien et toutes les visites du monde à Dannemois ne changeraient rien à ce sentiment que j'avais sans doute camouflé durant toutes ces années.

- Troisièmement, toujours en 1998,  ma vie a été bouleversée par l'abandon, la trahison du garçon que j'aimais depuis 10 ans. Plus rien n'avait d'importance face à cette douleur et à ce vide qu'il laissait en partant et Claude François n'était plus qu'un point de détail... 

Alors, je ne dis pas que j'avais oublié ma passion pour le chanteur. Pas complètement. Ecouter ses chansons était toujours un réel plaisir, un réel bien-être. J'aimais toujours le voir à la télé, revisionner mes vieilles cassettes mais, c'était différent. Il faisait partie de moi et de ma personnalité mais il n'était plus l'unique centre d'intérêt de ma vie. J'avais appris à apprécier et admirer d'autres artistes et même si Cloclo restait parmi mes favoris, je n'éprouvais plus ce besoin impérieux de l'écouter si souvent. 

Et puis, j'ai mis les pieds dans l'univers des fans de Claude François. Comme je l'ai déjà dit, je n'en avais encore jamais rencontré "en vrai". En m'intéressant aux forums de discussions consacrés à Claude, j'ai rencontré des fans, j'ai découvert avec un immense plaisir des chansons inédites, j'ai appris des choses sur mon idole, j'ai redécouvert des choses que j'avais sues, autrefois... je me suis rapprochée de quelques fans que je trouvais très agréables et sympathiques au premier abord. C'était agréable de pouvoir enfin discuter de Claude François sans aucune retenue ni aucune gêne.  De plus, naïvement, on se dit que les gens qui partagent quelque chose d'aussi fort ne peuvent que s'entendre... mais c'est sans compter les hypocrisies, les propos sournois, les coups bas, les critiques, les mensonges, les calomnies, les saloperies car il n'y a pas d'autre mot pour certaines choses que j'ai vues ou entendues. 

Comme j'ai tendance à fuir les comportements excessifs et que ça m'énerve, j'ai préféré me placer dans la catégorie des fans éclairés. J'ai cherché à comprendre, à me poser des question, à ne pas tout prendre pour argent comptant, à relativiser... ça n'a pas plu et j'ai été cataloguée comme "fausse fan", "mauvaise fan"... un peu infantile le comportement des gardiennes du temple sur ce coup là... mais après tout, elles ont su rester adolescentes dans l'âme, comme Claude les aimait... donc, elles sont vraiment dignes de lui, jusqu'au bout des ongles. Moi, j'ai osé grandir et rejeter les comportements extrêmes que j'ai eus entre 12 et 18 ans, j'ai osé réfléchir à ma passion en adulte. Je ne pouvais plus faire partie du club des privilégiés, ceux qui ont su rester des enfants rêveurs et naïfs, avec des comportements fourbes et cruels... mais ça, c'est pas grave, je l'avais sans doute mérité. Alors, comme disait mon "pote" Musclor, oui toujours le même, les fans ne sont pas tous comme ça... non, ça je le sais bien. J'ai rencontré aussi dans cet univers des personnes formidables et passionnantes, que j'ai appris à connaître et à apprécier vraiment, sincèrement, des gens pour qui l'amitié n'est pas un vain mot. 

Donc, globalement, parce que je me suis fait de vrais amis, je ne regrette pas mon imersion dans ce monde des fans de Claude François. C'est la seule chose qui compte et tout le reste, le dégoût que j'ai pu éprouver vis à vis de certains spécimens, je l'oublierai parce que ma mémoire a mieux à faire que de s'encombrer de ça.

Alors, qu'en est-il aujourd'hui ? Dans quelle catégorie suis-je maintenant ? A vrai dire, je ne sais pas. Lorsque j'emploie l'expression "fan de Claude François" par commodité, je ne peux m'empêcher de penser à tout ce que cela sous-entend de méchancetés, de noirceur, de mépris alors, je n'ai plus vraiment envie d'être une fan. Non pas que j'ai honte d'en être une ou de l'avoir été, je ne me renie pas. Simplement, je prends des distances afin de retrouver le Claude François que j'aimais, simplement, sans artifices ni exagérations (hormis celles de l'adolescence) et pas celui que les fanatiques ont essayé de m'imposer de force.

Publié dans Lettres d' être

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F
En fait, tout à fait normalement, tu as évolué...Voici quelqu'un qui ose être sincère... et par les temps qui courent, ça devient une qualité extrèmement rare !Voici le genre de fan auquel vous devez vous intéresser mesdames et messieurs les journalistes... ça nous changerait des fanatiques !Merci Béa.
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M
Et bien voilà.C'est fait, vous vous êtes livrée ou délivrée de cette peau de fan en racontant ce parcours que nous avons tous fait au début, pour qu'ensuite chacun de nous continue ce chemin en empruntant d'autres sentiers.Voilà pourquoi il me serait impossible de vouloir tracer un portrait d'un fan comme vous l'avez fait, parce que chaque personne est unique, et de nombreux paramêtres personnels s'imposent de façon évidente.Un déclic s'est produit un jour, on ne sait pourquoi pour un artiste , et ce fût Claude Francois en ce qui nous concerne.Alors pourquoi cet amour fou, cette passion dévorante,ce besoin d'idolâtrer ? Moi à ce jour je ne l'ai toujours pas compris.Je le vis, j'aime cela, Claude fait partie de ma vie.Votre description d'un fan est juste mais superficielle.Il faudrait pour cela approfondir le vécu de chacun de nous afin de mieux appréhender cette passion.Quelque part une raison en est peut être la cause.Moi je suis un fana de Claude, d'autres sont plus raisonnables, allez savoir pourquoi.Moi en tous les cas je ne me serais jamais livré à cet exercice sachant fort bien que je n'ai pas en moi la réponse.Je suis heureux comme cela, Claude est comme présent dans ma vie de tous les jours, ses chansons sont là et comme il le disait "Ces vieilles amies fidèles et jolies qui me reviennent aujourd'hui" En fait elles sont là, partout dans ma vie.Que je sois triste ou gai, heureux ou malheureux, elles seront là toujours pour moi.Claude est passé dans ma vie comme une évidence, je l'admire, je l'aime (je ne suis pas homo ! ), j'avais 12 ans j'en ai 57 et toujours cette même passion, je l'ai vu sept fois en vrai, et a chaque fois ébloui.Mon fanatisme est en ce qui me concerne me conviens, c'est ma vie, pas celle des autres et il en sera ainsi jusqu'à mon dernier jour sur terre.J'ai une vie très stable, avec une famille très équilibrée, et je ne me reconnais pas dans votre description d'un fan fanatique.Bonne journée
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N
S'accrocher à des souvenirs ou s'accrocher à une personne qui nous fait vibrer n'est ce pas une manière de refuser le temps qui passe ? je me pose la question sans avoir de réponses définies dans ma tête....Anne
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