Il y a 9 ans... déjà

Publié le par Béatrice

"Ah merde !"... Ce sont les premiers mots que j'ai prononcés il y a 9 ans lorsque j'ai appris la mort de mon père. Il était 5h du matin. Le téléphone n'arrêtait pas de sonner depuis un moment sauf que je dormais. Au bout d'un moment, j'ai enfin entendu la sonnerie. Je me suis précipitée en espérant entendre la voix de ma mère... parce qu'un instant, j'ai eu peur que ce soit le contraire. Ma mère, en effet, à cette époque, avait pas mal de problèmes de santé. Mais depuis quelques jours, c'était mon père qui n'allait pas bien et je sentais bien que ça devait arriver.

Donc, ça fait 9 ans aujourd'hui. C'est fou comme le temps passe !Le plus difficile pour moi ce jour-là, c'était l'organisation des funérailles. A l'église, on voulait nous faire dire des trucs trop "positifs", faire passer mon père pour un saint... jouer les hypocrites, quoi. Mais, j'avais déjà assisté à ce style d'enterrement où on a l'impression que le défunt était parfait alors que quelques jours avant sa mort ses proches se plaignaient de son caractère, de son attitude, de tout... Je refusais ça en bloc.

Puisque je ne suis pas croyante, je ne voulais pas non plus de textes promettant un avenir serein au paradis ou je ne sais quoi. J'essayais de dégoter des textes neutres, si possible.

Il y avait pas mal de monde dans l'église le lendemain. Beaucoup de gens qui étaient venus pour ma mère ou pour moi parce que le réseau social de mon père s'était très restreint au fil des années. Ceux qui étaient là garderaient le souvenir de quelqu'un de gentil et serviable, c'était très bien comme ça. Moi, sur le moment, je n'avais en tête que les dix ou quinze dernières années qui furent franchement pénibles. Et, la seule chose dont j'étais sûre c'est que ma mère allait enfin pouvoir vivre tranquillement. Le reste m'importait peu.

Et donc, voilà, ça fait 9 ans. Et c'est vrai que notre vie a été soulagée d'un poids ce jour-là. Plus besoin de s'inquiéter lorsqu'il ne rentrait pas, plus besoin de mentir sur tout, plus besoin de se dépêcher pour être à l'heure... La liberté, tout simplement. J'ai gardé quelques bons souvenirs, quand même. Ceux de l'époque où on s'entendait encore assez bien, même si  ça n'a jamais été très évident entre lui et moi.

Ma cousine, décédée pile poil deux ans après mon père, m'a demandé un jour si je le regrettais. Ma réponse fut celle-ci :"Non, je ne regrette pas le père qu'il était. Je regrette celui qu'il aurait pu être. Mais il n'a pas voulu l'être, alors tant pis. "

C'est jamais simple les relations parent/enfant. C'est toujours difficile d'admettre qu'on n'a pas le père (ou la mère) idéal, celui dont tous les enfants rêvent. Il m'arrive d'éprouver un petit pincement au coeur quand je vois des pères se comporter tendrement avec leurs enfants, ou même simplement s'occuper d'eux, prendre soin d'eux. Parfois même, lorsque je reçois des pères d'élèves et que je décèle une certaine complicité entre l'enfant et son père, je me dis que c'est beau à voir, que c'est bien que ça existe. Les hommes de la génération de mon père n'étaient souvent pas aussi impliqués vis à vis de leurs enfants. C'est même pas qu'ils ne voulaient pas c'est que souvent ils ne savaient pas s'y prendre. Et puis, le reste, la vie, les emmerdes et l'alcool ont fait que mon père s'est éloigné petit à petit pour n'être plus qu'un étranger à qui je ne parlais plus depuis très longtemps déjà.

Faut-il le regretter ? Non, je ne pense pas. Ça s'est fait ainsi. C'était notre destin, en quelque sorte. On a passé plus de temps à s'éviter qu'à se chercher... c'est sans doute qu'on n'était pas faits pour se rencontrer, voilà tout.

Publié dans Lettres d' être

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M
Ces dates "anniversaire" font revenir certaines choses, mais je crois que tu avais commencé ton deuil avant même son décès, non ?
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B
<br /> Oui, en quelque sorte... je savais que la vie serait plus simple sans lui.<br /> <br /> <br />
P
Je ne parlerai pas de ma relation avec ma mère. Tu en sais déjà pas mal sur cela et le décès de mon père, frère et soeur. Juste pour te dire que je comprends ce que tu peux ressentir face à lui face au père que tu n'as pas eu mais aurait voulu. Cela reste en nous. Ton amour pour ta mère on le sent entre les lignes... cela a été une libération pour vous c'est malheureux qu'il fallait que ce soit ainsi, mais vital aussi pour vous. Bisous et je t'envoie de douces pensées Béatrice.
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L
C'est vrai, les relations avec nos parents ne sont pas innées. Même après toutes ces années, c'est ma mère que je n'ai toujours pas l'impression de connaître ou de comprendre. Et j'espère y arriver un jour.
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B
Voilà un texte qui me va comme un gant...le mien est décédé en 99 et le coté positif c'est qu'il est parti d'un seul coup.C'est pas facile d'écrire un texte comme ça, je suis touché.
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B
<br /> Le mien, si on veut, est parti d'un coup aussi... le coeur a lâché à force d'excès.<br /> Ecrire est toujours plus facile que de parler...<br /> <br /> <br />
L
non, il n'y a semble t'il, pas grand chose à regretter. les choses sont parfois immuables. les relatiosn parents/enfants sont de celles qui sont les plus difficiles. car dans un couple, on peut toujours se séparé quand ça ne va plus. alors que quoi qu'il arrive avec ses parents, on reste toujours leurs enfants... moi, j'ai commémoré le 13ème anniversaire de la mort de mon oncle ce week-end. je n'avais pas encore 13 ans quand il est mort. et le jour de sa mort, j'ai su qu'il me manquerait tout le reste de ma vie. je ne m'étais pas trompée. je vais avoir 26 ans et je pense aussi souvent à lui qu'à ma mère que je vois chaque mois... le temps passe très vite en effet.
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