Des fois, vaudrait mieux rester couché...

Publié le par Béatrice

Je viens de lire des articles sur le malaise des enseignants... j'aurais pas dû... Certains commentaires sont affligeants. Et, bizarrement, les plus agressifs sont signés des enseignants retraités... Le dernier que je viens de lire c'est "Le suicide est certainement dû aux nombreuses vacances et au peu d'heures de travail hebdomadaires" et c'est donc signé "Aurélien, enseignant retraité"...

 

Je connais pas mal de profs qui sont partis à la retraite et, pour la plupart, ils en étaient très heureux car ils n'en pouvaient plus, ils ne pouvaient que constater que les conditions de travail avaient changé, que les élèves avaient changé (et pas en bien) et que la hierarchie avait changé (et pas toujours en bien non plus...). L'âge aidant, comme on dit, ils se sentaient fatigués et, sans en avoir marre vraiment, ils aspiraient à une retraite méritée. J'imagine mal ces gens-là venir écrire sur un forum que les conditions de travail de leurs successeurs sont trop faciles, qu'ils se plaignent pour rien, qu'ils ont plus de chance qu'eux... Ou alors, le jour de la retraite sonne aussi celui de la perte de mémoire et/ou de la mauvaise foi... Je n'y crois pas. Je pense que ce sont des inernautes lambda qui, craignant de se faire insulter, s'habillent de l'appellation "prof à la retraite"... Ils ont entendu çà et là que les profs, avant, avaient 40 ou 60 élèves par classe donc, ça devient leur argument béton : "Vous avez seulement 25 élèves et vous vous plaignez ! Nous en avions le double et nous faisions notre métier correctement et sans gémir."... En admettant que ce soit vrai et que ces gens aient réellement enseigné, ils oublient de rappeler que les élèves des années 50/60 (parce que déjà dans les années 70 ça commençait à se dégrader et les classes n'étaient plus à 60 élèves) n'étaient pas ceux d'aujourd'hui !

 

De nombreux facteurs entrent en jeu et je ne saurais dire exactement pourquoi ni comment on en est arrivé là mais, à la base, je pense, quand même, il y a l'absence de respect du prof en tant que personne tout simplement. Le prof c'est l'ennemi pour pas mal de gamins et c'est l'ennemi qui ne peut se défendre puisqu'on lui a interdit tout moyen de défense... Certes, auparavant, certains en ont abusé (c'est peut-être aussi pour ça qu'ils peuvent aujourd'hui prétendre que tout était simple pour eux : une fois qu'ils avaient foutu quelques bonnes râclées à certains gosses, forcément, ils devaient avoir la paix (sachant qu'à l'époque, en plus, les parents les soutenaient en général à fond et le gamin se reprenait une râclée à la maison en rentrant !)...On ne peut plus frapper les gamins (et ça, franchement, c'est pas un mal même si des paires de claques se perdent quand on voit certains), on a à peine le droit de les coller, on ne peut plus rien leur dire sans qu'ils prennent ça pour une insulte traumatisante qui les humilie, on ne doit pas donner trop de travail, on doit éviter les punitions, on ne peut pas mettre de notes de comportement sous peine de se retrouver au tribunal pour atteinte à je ne sais quoi de fondamental... Donc, on fait quoi ??? "Tu veux me poignarder mon petit, mais vas-y, je t'en prie, ce sera un honneur pour moi, si ça peut t'éviter d'aller tuer des gens bien dans la rue."

 

J'ai lu le commentaire d'une autre retraitée qui dit que si les profs avaient, comme elle, la flamme, la passion, l'amour des enfants et l'envie de leur faire plaisir, de les distraire, de leur apprendre les choses dans la joie et la bonne humeur, tout irait bien... Mais bien sûr ! Au pays des bisounours, tout est possible... J'ignore où cette dame aurait enseigné (si tant est qu'elle l'ait fait...) mais, elle devait bosser dans un lieu très privilégié... Je travaille dans un établissement calme, où les élèves sont gentils globalement, sympa, plutôt polis et assez respectueux mais, on est quand même très loin des bisounours... Quant au fait de faire cours dans une bonne humeur inaltérable tous les jours de l'année, qui peut le faire ? Je vois mes élèves et soudain mes problèmes personnels de la vie quotidienne s'évanouissent ??? Bien sûr que non ! Ça ne veut pas dire non plus que je vais leur faire payer toute la journée ma mauvaise humeur, évidemment... ça veut juste dire que, comme tout le monde, je n'ai pas envie de faire ma Chantal Goya ou ma Dorothée tous les jours que dieu (ou je ne sais qui) fait... Comme beaucoup de gens, je vais faire semblant... Ben oui ! Comme mon médecin, comme mon banquier, comme mon marchand de légumes...je vais simuler la bonne humeur même les jours où je ne vais pas bien.

 

Et puis le refrain de "il faut apprendre en s'amusant, il faut passionner les élèves", ça va, on l'a assez entendu et je reviens toujours à la phrase que nous avait sortie mon prof de français au lycée : "Si le prof devait faire seulement des cours qui passionnent les élèves, il faudrait uniquement des cours de masturbation"... Et, c'était pas si faux... Un peu exagéré mais réaliste. Autour de quoi tournent les conversations de nos élèves, même dès la 6e ? Autour de qui sort avec qui, qui a embrassé qui ? Et pour les plus grands c'est qui a couché avec qui, comment c'était et tout le tintouin... On n'est pas sourd et on les entend parler, ou bien on capture des petits mots en classe... Les amours et les amis sont leur seul et unique véritable centre d'intérêt (avec le sport ou le maquillage parfois)... Alors, derrière ça, concrètement, on fait comment pour leur donner envie d'apprendre de façon "rigolote" et passionnante la conjugaison du passé simple ou bien les subordonnées conjonctives ??? Que ceux qui ont "le don" me le fassent savoir... je ne demande qu'à apprendre.

Publié dans Carnet de prof

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E
<br /> <br /> et oui jr suis une prof retraitree et je crois que c etait moins dur avant, je ne suis pas sure que ce soit les enfants qui aient change moi c est les parents que je ne supportais plus, ils ont<br /> tous pondu des genies et nous on ne les comprenait pas,il y a 35 ans les parents nous respectaient et ca change tout, maintenant les profs sont les betes à abattre<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> C'est clair qu'un gamin qui entend sans arrêt dire du mal des profs, sans compter les parents qui racontent fièrement leurs "exploits" en tant qu'élève pour ridiculiser ou faire craquer des profs<br /> (parce que ça existe aussi), ne risque pas de respecter ensuite ses propres profs.<br /> <br /> <br /> <br />
Z
<br /> <br /> L'image de l'enseignant a beaucoup changé au fil des années.<br /> <br /> <br /> Avant l'enseignant était une personne importante et respectée. Aujourd'hui il n'est plus aussi respecté par les enfants mais aussi (et peut-être surtout) par les parents. Comment un enfant<br /> peut-il respecter un enseignant quand il voit ses parents ne pas le faire ?<br /> Je me destinais à une carrière d'enseignant lorsque j'ai commencé mes études. Je suis ravi d'avoir changé d'avis et pris une autre direction car c'est un métier que j'aurais eu, je crois, du mal<br /> à supporter (non pas pour l'enseignement, j'ai déjà enseigné et j'ai aimé le faire).<br /> <br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> C'est un beau métier avec des jolis moments mais, hélas, de moins en moins... à cause des parents, des élèves de plus en plus en rupture avec toute forme de contrainte... et de toutes les<br /> obligations qui nous gâchent un peu la vie sans rendre notre "mission" plus efficace.<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Chère Béatrice, Je suis à la retraite, n'ai jamais été enseignant, mais un scientifique spécialisé en optique diffractive. Quand je lis des blogs d'enseignants, je constate que la plupart d'entre<br /> eux donnent cours dans des écoles à discrimination positive. Je suppose que ces profs se créent des carnets parce que leurs blogs leur servent un peu de défouloir pour compenser le manque de<br /> considération dont ils bénéficient dans leurs "bahuts". Quand je compare avec l'enseignement qui me fut dispensé dans ma jeunesse (années '50), je crois que la plus grande différence n'est pas la<br /> matière (le fond), mais la façon (la forme) de donner cours et les approximations (en musique, on dirait: "les variations"): le prof "copain" a réduit les distances, la façon d'écrire (en langage<br /> SMS), le manque de culture générale... Mai 68 n'a pas eu que des effets bénéfiques! (Facile de trouver un coupable non humain, je sais.) Amitiés Définitions du mot Lycée: 1/ Ecole antique où l'on<br /> s'entretenait de morale et de philosophie. 2/ Ecole moderne où l'on discute de football. (Ambrose Bierce)<br /> <br /> <br />
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B
<br /> <br /> J'aime bien les définitions parce que c'est tout à fait ça ! Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />